vendredi 24 décembre 2010
Conte d'Hiver
Il était une fois, il n’y a pas longtemps, une Louve qui vivait dans une immense forêt, dense et sombre. Cette forêt était étroite et longue comme un grand corridor qui s’étirait, loin, si loin, que la Louve n’en avait pas encore exploré les limites. Elle savait qu’au fur et à mesure du temps elle progresserait sur ces sentiers. Elle se demandait parfois si cette forêt n’était pas à l’image de ce que le monde représentait pour elle, qu’il se créait au fur et à mesure de ses pas mais pour un esprit de Louve, le monde matériel et spatial était bien flou et son ventre était nettement plus dominant dans l’échelle de ses priorités et de ses désirs. Elle vivait le jour avec son louveteau et en gueule à gueule aimait manger des bigorneaux et jouer au poker. La nuit tombée, elle se lovait autour de son petit et après s’être assurée de son profond sommeil, elle sortait de sa tanière, en camouflait l’entrée et enfin, partait en chasse.
Elle s’engageait toujours sur le même sentier puis à l’angle d’un immense chêne, elle bifurquait et l’aventure commençait au grè des odeurs, des inspirations et des rencontres. Que la nuit fut ou qu’elle ferma les yeux, le monde qu’elle parcourait était mouvant, toujours changeant et surprenant. La tâche qu’elle s’imposait était vitale mais elle avait l’élan et le cœur d’en faire toujours une expérience unique.
Un soir de ses déambulations nocturnes, elle aperçut un renard poursuivant sa truffe, l’œil affairé et l’odeur rivée au sol, levant parfois ses yeux scintillants au ciel, observant les étoiles et la lune, écoutant le vent puis reprenant sa route. Elle entreprit de le suivre, intriguée par son pelage et par la clarté de son regard. Ils marchèrent ainsi de longs moments puis se trouvèrent près d’un lac au bord duquel le renard vint s’abreuver. La louve s’avisant de faire une pose laissa son âme rêveuse bifurquer et ne s’aperçut pas que le renard se postait juste devant elle. Elle eut un instant de frayeur plus surprise par la vivacité du renard que par sa présence. Le renard lui dit :
- Tu me poursuis Milady, puis je en connaître la raison ?
- Je ne te poursuis pas, Renard, je viens m’abreuver…
- Tu me poursuis Milady mais il me semble que ce n’est pas la première fois, je crois, en rêve…
- Oui, dans tes rêves, Renard, ne te méprend pas, dit elle d’un ton supérieur, j’ai un petit à nourrir et bien d’autres choses à fouetter.
- Tu te troubles?
- Je ne me trouble que pour de grandes choses pas pour des petits de renards mal campés sur leurs pattes
- Un seul de mes demi coup de poings t’enverrait ad patres petite fille…. Je suis plus solide que tu ne le crois.
- Ne t’avise pas de me toucher renardeau, où je vais t’en flanquer une.
La mauvaise foi de la louve commençait à bien faire rire le renard qui n’en était pas moins troublé. Il se radoucit assuré que se jouait ce soir là une chose importante. Une patte dans l’eau puis une autre, une autre et une autre encore, il se retourna et convia la Louve à le rejoindre.
- Vois tu Milady, l’eau scelle des alliances, il se peut que cette nuit soit sous une constellation particulière.
La Louve qui avait peur de l’eau prit cette invitation comme un défi, comment tenir tête devant un élément si domptable, fichtre! Elle était bien plus forte que cela.
Alors dans un élan, elle se cramponna au pelage voluptueux du renard et ce premier bain fut un baptême.
- Il se peut que l’eau ait une mémoire, dit elle
- A l’autre bout du globe, l’eau gardera cet instant et s’étendra de moi à toi en une onde immense, ma petite Suzy.
C’est ainsi que se noua entre eux un étrange et évident amour.
De retour à sa tanière et ayant pourléché la soie de son petit, elle s’engouffra dans un rêve plein du Renard qu’elle venait de rencontrer.
Ils se retrouvèrent les nuits suivantes près des vasques d’eau, des fontaines et des petites cascades. Il se baignèrent dans l’eau glacée, léchèrent la pruine du raisin mûr et coururent après des chimères. La Louve était terrassée par la force des baisers du Renard qui n’en finissait pas d’égrener des mots merveilleux. Il faisait chaud et il pleuvait des gouttes d’eau tiède dans leur gueule, le sol était rouge de leurs ébats.
40 faucons tournoyèrent autour d’eux ces soirs là mais ils ne les virent pas.
Une nuit d’hiver, ils se retrouvèrent au sommet d’une haute colline, si haute que le Renard se senti soulevé par un nuage cotonneux. « Pourvu que l’ascension soit éternelle et que passe l’hiver !» se disait la Louve. Ils admirèrent le paysage et se rendirent compte que pour la première fois depuis leur rencontre, leurs yeux s’étaient détachés l’un de l’autre.
- Habituellement, je regarde, je scrute, j’observe tout autour de moi !
- Habituellement, j’accomplis mes tâches avec soin. Je n’en ai pas besoin. Tout s’imprègne de toi.
C’est au moment des flocons de neige, qu’ils aperçurent les 40 faucons. L’un d’eux, le plus fort se détacha et se posa à leurs pieds.
Il perça les yeux de la louve pour que la clarté apparut dans son corps.
- Ces 40 faucons sont nos alliés, dit elle, ils sont porteurs de nos messages ; invisibles aux yeux de tous et rapides, ils fendront l’air pour que pas un instant de doute ne s’immisce entre toi et moi.
C’est ainsi que la frontière entre le jour et la nuit s’estompa. Les 40 faucons œuvrèrent pour maintenir le trouble et la fascination qui font naître l’amour.
Mais un jour les 40 faucons se perdirent car toute chose a une fin et que probablement, ils avaient mieux à faire.
Le renard pleura en dedans et la louve s’effondra jusqu’au matin.
Ne sachant que faire de son amour, la Louve aux yeux percés fit 3, puis finalement, 4 (elle estima que ce chiffre lui convenait mieux), 4 serments donc, devant un dieu qu’elle inventa pour la circonstance.
Oh Dieu, dit elle, je veux continuer mon chemin, aveugle aux remous et sourde à la douleur, garder mon esprit clair et vif, mon âme amoureuse et aventurière.
Oh Dieu, je veux que sur ma langue glisse la rondeur des mots parfaits, des senteurs fraîches, des délices inaccoutumés.
Oh Dieu, avec mon cœur ne pas faire de peine
Oh Dieu, porter dans mon ventre de la douceur et des fruits murs.
Au petit matin de son anniversaire son pelage avait changé, elle s’élança dans le grand noir qui est le vaste monde, détourna son regard du soleil qui la brûlait et s’accoutuma des bruissements d’ailes qui l’éveilleraient encore quelques temps.
Une nuit cependant, tandis qu’elle dormait, le Renard vint fouiller son pelage, la mordilla et quand elle ouvrit ses paupières, il sauta dans ses yeux vides et tomba dans son ventre. La Louve se garda bien de rouvrir et ses yeux et ses babines. Il visita des jours durant les chambres de son corps et élu domicile dans la chambre d’amour qui est en bas à droite du ventre. Il tourna 9 fois sur lui même et son âme apaisée se lova sur un lit d’opale qui est la pierre du désir comme chacun sait.
Depuis ce temps, la louve se tait sauf les soirs de pleine lune où elle hurle à l’unissons avec son Renard bien enfoui dans ses entrailles.
Joyeuses fêtes à tous! P.
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1 commentaire:
Ho, que de beauté !
C'est écrit par un gourou ?
Faut-il que les louves soient bêtes pour encore croire aux boniments des renards !
F.
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